Château de Chauffailles
Chauffailles – Saône et Loire
2013
Acrylique sur toile
Le travail d’Elisabeth Gilbert Dragic représente essentiellement des fleurs fanées : pivoines dans l'atelier, roses, tulipes, lys...
Tout d’abord en peinture sur des formats plus grands que nature, mais aussi en volumes, cette exposition regroupe sur tout le 1er étage du château de Chaufailles, un ensemble d’œuvres de 2005 à 2013, montrées précédemment dans plusieurs expositions personnelles telles que Florilèges, de l’autre côté à l’Attrape Couleurs à Lyon St Rambert, Fleurtitudes à l’Orangerie du parc de la Tête d’Or, ou dernièrement à la galerie Artaé, … et que rien ne change.
La première salle s’ouvre sur d’amples formats, dont un hommage à la mère de l’artiste avec Mater, une orchidée frontale, fanée, fleur qu’affectionnait cette femme mère de huit enfants.
Sur deux autres pans de mur, un Bouquet de vernissage donne encore toute sa majesté, magnifié par une couleur éclatante du fond du tableau qui vient fortement contraster avec le devenir certain de cette nature morte.
Les pivoines sont à l’honneur dans la deuxième salle ; elles se déploient sur un dyptique majestueux, Peonies ainsi que sur de grands médaillons dont l’un, avec ses pétales nacrés & sensuels n’est pas sans évoquer le verrou de Fragonard Peonies, médaillon 2 ; l’autre une béance plus “dévorante” Peonies, médaillon 1, entre autres lèvres ourlées et froissées.
Il y est question de roses également, ensevelies dans la peinture blanche, mises en latence ; auxquelles vient faire écho le Fragment d’épines, volume comme pétrifié par la porcelaine blanche, autant insaisissable par ses pointes acérées que séduisant
dans sa robe virginale brillante. Cette pièce, réalisée depuis en porcelaine, est d’ailleurs désormais présente au Musée de la Céramique de Vallauris, où elle a reçu le prix de la céramique sculpturale & architecturale dans le cadre de la Biennale de la Céramique de Vallauris en 2012.
Une rose encore, cette fois-ci sous forme de “taxidermie horticole”, une Rose Sanglier, tantôt accrochée tel un bas-relief, tantôt posée à même le sol. L’artiste a travaillé en collaboration avec son frère taxidermiste, Jacques Gilbert. Utilisant des peaux d’animaux dits “sauvages”, Sangliers, Chevreuils, Elisabeth Gilbert-Dragic immortalise une mise en relation formelle du végétal et de l’animal. Elle a conservé la tête, où les yeux sont cousus, comme endormis dans leur métamorphose. Des natures mortes de chasse qu’elle appelle ses fleurs animales…une représentation poétique (“…au bois dormant”) et dramatique de la confrontation de ces derniers à l’espèce humaine.
Deux autres Boutons de chevreuils sont ainsi présents dans le petit donjon qui suit la troisième salle. L’un plus abstrait est à même le sol, au coin de la cheminée. Le deuxième semble retomber d’on ne sait où ; comme en suspend.
Toujours dans la deuxième salle, de petits médaillons de tulipes, plus sobres et discrets, Tulipae , médaillons 2 & 3, raisonnent avec la toile Tulipae, de l’autre côté comme autant de vanités sourdes.
La troisième salle présente une vidéo autoportrait, Le Bouquet de la Jardinière, où l’on voit Elisabeth Gilbert-Dragic assise dans son atelier, “prenant à bras” le plus de fleurs possible jusqu’à n’en plus pouvoir ; interprétant La Jardinière, généreuse peinture de fleurs du XIXè de Simon de St Jean, (collection du Musée des Beaux-Arts de Lyon). L’artiste en immortalise des saisies d’écran alors qu’elle se retrouve bien “empruntée” avec tant de fleurs dans les bras…
C’est sans compter avec L’Annonciation, Je vous salue, maris. Cette toile fait référence à un texte provocateur de Nelly Kaplan de 1966 qui imagine un monde où les femmes auraient pris totalement le pouvoir. Féministe à outrance, ce texte est bien plus violent que cette peinture où l’artiste semble proposer une trêve, un nouveau départ sur des bases peut être plus égalitaires, tout en soulevant la question de la transmission des rôles dans notre civilisation occidentale. La peinture fonctionne comme à l’inverse de sa vidéo : cette fois-ci, c’est elle qui semble donner la fleur de lys, à l’instar de l’Archange Gabriel…
D’une façon faussement anodine, ce support qu’est le motif floral lui permet d’aborder un rapport au temps dans la fragilité de l’existence, mais aussi un questionnement récurrent sur l’expression du féminin dans notre inconscient collectif, dans sa construction symbolique et culturelle et dans la façon dont les rapports hommes/femmes s’articulent et se transmettent….
Ses toutes dernières peintures, Jeune garçon avec des fleurs dans les bras, représentent l’un de ses trois fils, tous en âge de découverte de l’adolescence et de la sensualité .